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Stalagmite Chau-stm6 – Grotte Chauvet, Galerie des Croisillons (h = 67 cm)

          Parmi les stalagmites étudiées dans la grotte Chauvet, celle trouvée cassée à proximité du cheminement au niveau de la galerie des Croisillons, Chau-stm6, a fourni un les enregistrements les plus remarquables de la dernière déglaciation. Son développement s’est déroulé en deux phases. La première a débuté il y a 32800 ans et s’est terminée il y a 22300 ans alors que le climat abordait le Maximum Glaciaire. Sa croissance était alors faible à cause d’un climat relativement froid. S’ensuit alors une période très froide et sans doute très sèche durant laquelle il n’y a pas d’infiltration dans la grotte. Cela provoque un arrêt dans la croissance de la stalagmite Chau-stm6 qui va durer 7100 ans, jusqu’à la reprise du concrétionnement il y a 15200 ans, lorsque le climat se réchauffe [fig. 1, 2 et 3]. Cet arrêt de croissance, appelé « hiatus », est encore visible lorsqu’on examine la concrétion par transparence [fig. 1]. La mesure des paramètres géochimiques tout le long de l’axe de croissance (trous visibles sur l’image) révèle très clairement les événements climatiques de cette grande transition climatique entre une période glaciaire et une période interglaciaire. Ainsi on y voit particulièrement bien le Bølling-Allerød (BA), période clémente durant laquelle la végétation se développe au-dessus de la grotte et où les concrétions poussent rapidement. Vient ensuite le Dryas Récent (ou Younger Dryas, YD), période froide dont l’arrivée a été extrêmement rapide il y 12700 ans – arrivée qui a eu lieu en quelques années seulement et où la température moyenne à chuté de plusieurs degrés (5 à 10°C ; fig. 1). Même s’il y a une forte ressemblance avec l’enregistrement paléoclimatique des glaces du Groenland, la stalagmite Chau-stm6 montre des différences régionales marquées, comme, par exemple, une tendance au réchauffement entre le Bølling et l’ Allerød, alors qu’un refroidissement est enregistré au Groenland durant cette période [fig. 1] . On voit ici l’importance de pouvoir reconstituer localement les variations climatiques qui ont eu un impact important sur les cultures humaines passées (Genty et al., 2006).

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Figure 1 – Comparaison entre l’enregistrement isotopique de la stalagmite Chau-stm6 (rouge) et celui des glaces polaires du Groenland (bleu, NorthGRIPmembers, 2004). On note la remarquable similitude des signaux entre le d18O de la calcite de la stalagmite et le d18O des glaces polaires. Les événements chauds, appelés interstades, sont rappelés (Lascaux, Laugerie, Tursac, Maisières et Arcy) ainsi que l’événement froid majeur de la déglaciation le Dryas Récent (YD). Les datations U-Th sont illustrées par les losanges rouges avec des barres horizontales qui indiquent l’incertitude de la mesure. Les courbes en rose et en noir à droite du graphique indiquent la composition isotopique de deux stalagmites de la grotte de Villars (Dordogne) qui ont terminé leur croissance vers 31000 ans à cause de l’arrivée d’une période de froid intense dans cette région.

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Figure 2 - Courbes de croissance des stalagmites de la grotte Chauvet. On remarque l’absence de spéléothème (rectangle bleu) pendant le maximum glaciaire marqué par un niveau marin global minimal (Waelbroeck et al., 2002). La plupart des stalagmites étudiées commencent leur croissance au cours de la déglaciation, dès que les conditions climatiques s’améliorent.

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Figure 3 – Partie de la dernière déglaciation caractérisée par : une période chaude du Bølling-Allerød, commencée il y a 15500 ans, suivie de la période froide du Dryas récent (Youger Dryas) dont l’arrivée est particulièrement abrupte il y a 12700 ans Comparaison entre l’enregistrement de la stalagmite Chau-stm6 (courbe rouge en bas) et l’enregistrement d’un lac d’Allemagne (au milieux, Grafenstein Von et al., 1999) et l’enregistrement des glaces du Grenland (NGRIPmembers, 2004). 

Stalagmite Chau-stm7, Eboulis d’Entrée (h = 8 cm, en haut à gauche)

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          De nombreuses grottes ont été obstruées par des effondrements, souvent proches de leurs entrées. Les reliefs et les falaises qui encadrent les entrées de grottes sont en effet soumis aux aléas climatiques, et ainsi déstabilisés. Suite à une étude cartographique précise, on a pu montrer que la grotte Chauvet a été fermée par un énorme éboulis lié à l’effondrement du front de falaise  (ATLAS de la grotte Chauvet, 2020). Plusieurs méthodes complémentaires ont permis de dater la formation de cet éboulis : la datation des blocs de roche calcaire de la falaise (Sadier et al., 2012) et celle des spéléothèmes qui ont poussé sur cet éboulis, à l’intérieur de la grotte (Genty 2020 ; Genty et al. 2004, 2005, 2010, 2012). Parmi ces spéléothèmes, Chau-stm7 a poussé sur la partie haute de l’éboulis à l’intérieur de la grotte. La datation de sa base – couche de calcite située juste au-dessus de la fine couche sinueuse, brune et argileuse -  montre que les dernières couches de l’éboulis sont ici antérieures à 5 747 ans, à 92 ans près. On remarque sur l’image, sous la base de la stalagmite, des fragments de roche et de plancher stalagmitique. La datation U-Th de ce morceau, situé à gauche de l’image, donne un âge à la limite de la méthode, supérieur à 500 000 ans. Cet  élément de planchers stalagmitique très ancien a été brisé et intégré à l’éboulis lors de l’effondrement. 

 

Stalagmite Chau-stm5-top. Galerie du Cactus. (h = 9 cm, en bas à gauche)

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          Le sommet de cette stalagmite, éclairé par transparence, montre de fines lamines de croissance faites de calcite translucide. La portion de la stalagmite montrée ici couvre environ 800 années de croissance, entre 2 440 ans et 1 660 ans. On remarque que son axe de croissance a changé de direction au cours du temps, sans doute en raison de la déviation de l’égouttement provenant de la voûte. Les trous qui apparaissent tout le long de l’axe de croissance sont les traces laissées par l’échantillonnage réalisé à l’aide d’une micro-perceuse. La poudre de calcite obtenue a été utilisée pour y effectuer des mesures isotopiques, et ainsi reconstituer l’évolution du climat.

 

 

Références bibliographiques :

 

Genty, D., Blamart, D., Ghaleb, B., Plagnes, V., Causse, C., Bakalowicz, M., Zouari, K., Chkir, N., Hellstrom, J., Wainer, K., Bourges, F., 2006. Timing and dynamics of the last deglaciation from European and North African δ13C stalagmite profiles—comparison with Chinese and South Hemisphere stalagmites. Quat. Sci. Rev. 25, 2118–2142. https://doi.org/10.1016/j.quascirev.2006.01.030. 

Genty D., 2008, Palaeoclimate Research in Villars Cave (Dordogne, SW-France), International Journal of Speleology, 37 (3) : 173-191. 

Genty D., 2022, « SPELEOTHEMES archives du climat », éditions Hartpon, Paris, 202 p.

Waelbroeck, C., Labeyrie, L., Michel, E., Duplessy, J.C., McManus, J.F., Lambeck, K., Balbon, E., Labracherie, M., 2002. Sea-level and deep water temperature changes derived from benthic foraminifera isotopic records. Quaternary Science Reviews 21, 295-305. 

NorthGRIPmembers, 2004, High resolution climate record of the Northern hemisphere reaching into the Last Interglacial period, Nature 43, pp. 147-151.

Grafenstein Von, U., Erlenkeuser, H., Brauer, A., Jouzel, J., and Johnsen, J. (1999). A Mid-European Decacal Isotope-Climate Record from 15.500 to 5000 years B.P. Science 284, 1654-1657.

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