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Stalagmite Vil-stm9 – Grotte de Villars (Dordogne), salle Montparnasse-Bienvenüe (h = 147, 4 cm)

          La stalagmite Vil-stm9 fait partie d’un ensemble de trois stalagmites trouvées couchées sur le sol des galeries Nord de la grotte de Villars. Elles ont été renversées par l’effondrement du plancher stalagmitique sur lequel elles se développaient alors, suite à un soutirage des argiles sous-jacentes il y a des milliers d’années. Vil-stm9 est sans doute l’une des stalagmites qui a apporté la reconstitution paléoclimatique la plus exceptionnelle parmi celles des grottes étudiées. En effet, entre sa base, datée d’il y a 83 000 ans, et son sommet, daté à 30 000 ans, les variations isotopiques mesurées tout le long de son axe de croissance ont révélé des événements climatiques abrupts  qui ont ponctué toute cette période glaciaire. Or ces événements, des “interstades glaciaires”, avaient déjà été détectés lors de carottages de glace au Groenland ainsi que dans les sédiments marins - appelés “événements de Dansgaard-Oeschger” du nom de leurs découvreurs. Jamais sur les continents, dans les spéléothèmes, ces phénomènes n’avaient pu alors être détectés avec une aussi grande précision dans la chronologie (Genty et al., 2003, 2010).

          L’histoire climatique de ces trois stalagmites (Vil-stm9, Vil-stm14 et Vil-stm27), contemporaines entre elles, montre une grande cohérence : elles possèdent les mêmes courbes de croissance [fig. 1 et 2] et les mêmes courbes isotopiques [fig. 3]. 

La précision des datations des spéléothèmes a permis d’ajuster l’âge de ces variations climatiques et la rapidité de leur venue, d’une précision de quelques siècles à quelques années. Leur étude a également permis de comparer les enregistrements climatiques fournis par les spéléothèmes, les archives glaciaires, et les archives sédimentaires - marines et lacustres -, où les isotopes de la glace et les grains de pollen des sédiments nous ont donné des indications sur la végétation a et la températures des temps passés.

 

          Ces événements climatiques, qui caractérisent les périodes glaciaires, montrent des transitions très rapides et des amplitudes thermiques importantes, supérieures à 10°C dans les glaces du Groenland. Ils ont très certainement eu un impact profond sur les modes de vie et sur les migrations des cultures humaines préhistoriques d’alors, les néandertaliens, puis les hommes modernes, dès  40 000 ans en Europe occidentale. La cause des événements de Dansgaard-Oeschger n’est pas encore clairement élucidée. On a constaté leur présence en Antarctique avec des décalages chronologiques plus ou moins précis (EPICA 2006) suggérant une alternance dans la venue de ces événements entre les pôles nord et sud. Par ailleurs, les modèles numériques parviennent à simuler ces événements en faisant intervenir la dynamique des calottes glaciaires et la circulation océanique, suggérant un système de fonctionnement interne à la Terre.

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Figure 1 - Courbes de croissance de trois stalagmites de la grotte de Villars ayant enregistrée des événements climatiques millénaires (hauteur indiquée sur l’axe de gauche).

On remarque un ralentissement dans la croissance des stalagmites dès 40 000 ans BP, révélant un climat plus froid. Auparavant, une période de froid extrême a empêché toute infiltration dans la grotte et provoqué un arrêt de croissance dans la stalagmite Vil-stm9, entre 67 000 ans et 61 000 ans AP. On remarque que ces trois stalagmites se sont arrêtées quasiment en même temps, autour de 30 000 ans BP, alors que le climat global de la terre évoluait vers un maximum glaciaire : cet arrêt synchrone est lié à un climat très froid et certainement très sec. La morphologie même du sommet de ces stalagmites a enregistré cette dégradation progressive du climat entre 40 000  ans et 30 000 ans [fig. 2].

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Figure 2 – Sommet de trois stalagmites de la grotte de Villars datant du stade isotopique 3

Elles ont enregistré, dans leur morphologie, la dégradation climatique entre il y a 40 000 ans et 30 000 ans jusqu’à leur arrêt. On observe la diminution de leur diamètre dès 40 000 ans associée à une réduction de la vitesse de croissance [fig. 1] due à un climat de plus en plus froid et sec. 

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Figure 3 – Comparaison entre l’enregistrement paléoclimatique des stalagmites Vil-stm9 (rouge), Vil-stm27 (vert) et l’enregistrement paléoclimatique des glaces du Groenland (NorthGRIPmembers, 2004).

Les numéros correspondent aux événements climatiques de Dansgaard-Oeschger. Les phases de froid extrême sont marquées par les événements de Heinrich, notés H. Parmi eux, le H6 fut particulièrement sévère au point d’empêcher l’eau de s’infiltrer dans la grotte, provoquant un arrêt de croissance entre 67 000 ans et 61 000 ans BP (Villars Cold Phase).

Références bibliographiques 

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EPICA C.M., 2006, One-to-one coupling of glacial climate variability in Greenland and Antarctica, Nature 444, pp. 195-198

Genty D., Blamart D., Ouahdi R., Gilmour M., Baker A.,  Jouzel J. and Van-Exter S.,  2003, Precise dating of Dansgaard-Oeschger climate oscillations in Western Europe from speleothem data, Nature, 421 : 833-837.

Genty D., 2008, Palaeoclimate Research in Villars Cave (Dordogne, SW-France), International Journal of Speleology, 37 (3): 173-191.

Genty D., Combourieu-Nebout N.,  Peyron O., Blamart D., Wainer K., Mansuri F., Ghaleb B., Isabello L., Dormoy I., von Grafenstein U., Bonelli S., Landais A., Brauer A., 2010,  Isotopic Characterization Of Rapid Climatic Events During OIS 3 And OIS4 In Villars Cave Stalagmites (SW-France) And Correlation With Atlantic And Mediterranean Pollen Records, Quaternary Science Review, 29: 2799-2820.

Genty D., 2022, « SPELEOTHEMES archives du climat », éditions Hartpon, Paris, 202 p.

NorthGRIPmembers, 2004, High resolution climate record of the Northern hemisphere reaching into the Last Interglacial period, Nature 43, pp. 147-151.

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