SPELEOTHEMES ET PALEOCLIMATS
Histoire du climat racontée par les spéléothèmes
LES VARIATIONS DU CLIMAT
VUES DANS LES CONCRETIONS DES GROTTES
Réalisé par Dominique Genty, CNRS, Laboratoire Environnements et Paléoenvironnements
Océaniques et Continentaux (EPOC), Université de Bordeaux
avec la collaboration de
Ludovic Devaux, EPHE, Laboratoire Environnements et Paléoenvironnements Océaniques et
Continentaux (EPOC), Université de Bordeaux
Spéléothèmes : archives des climats passés
L’étude des spéléothèmes, terme qui désigne les concrétions calcaires que l’on trouve dans les grottes (stalagmites, stalactites, planchers stalagmitiques essentiellement), s’est considérablement développée au cours des deux dernières décennies. Elle constitue en quelque sorte une nouvelle science dont les objectifs sont multiples : reconstruire l’évolution du climat dans le passé, comprendre les processus climatiques, dater les restes archéologiques. Le grand public connaît déjà l’importance des carottes de glace issues des calottes polaires ou encore des carottes marines, pour reconstituer les variations passées du climat. Ces archives climatiques sont souvent évoquées lors des débats sur les changements climatiques et ont été utilisées pour mieux connaître les causes naturelles des variations du climat.
Cette connaissance est essentielle afin de modéliser l’évolution future du climat, dont on sait maintenant avec certitude que l’activité humaine le modifie profondément en raison des émissions de gaz carbonique et de méthane.
Mais , on le sait moins, plus près de nous, et en particulier en France et dans le Sud-Ouest où les grottes sont nombreuses, les stalagmites peuvent également révéler d’une façon spectaculaire l’évolution du climat des millénaires passés: grands cycles climatiques espacés d’environ 100000 ans liés aux variations de l’orbite terrestre, événements millénaires pendant la dernière période glaciaire liés aux interactions entre les calottes polaires et l’océan, refroidissements abrupts dûs aux changements de la circulation océanique. Parallèlement au climat, les traces de l’activité humaine ont été détectées dans plusieurs spéléothèmes : feux préhistoriques et feux liées aux visites des premiers touristes dans les grottes, et, plus surprenant, traces des essais nucléaires atmosphériques des années 50 et 60 dans le sommet de plusieurs stalagmites.
L’INFLUENCE DES PLANETES SUR L’ORBITE DE LA TERRE ET SUR LE CLIMAT
Le climat de la Terre est lié à l’énergie reçue à sa surface. Celle-ci provient du Soleil mais varie selon la position de la Terre – inclinaison, direction, proximité - par rapport au Soleil, ce qui explique par exemple les saisons. Or, à l’échelle de plusieurs milliers d’années, cette position change imperceptiblement à cause de l’influence - par leur masse - des planètes du système solaire. Trois cyclicités sont ainsi produites sur la position de la Terre : 1) l’excentricité – ou forme de l’orbite terrestre autour du Soleil et qui produit des cycles de 95, 125 et 400 ka ; 2) l’obliquité – ou inclinaison de l’axe de rotation de la Terre par rapport à son orbite et qui produit un cycle de 41 ka ; 3) la précession des équinoxes – ou direction de l’axe de rotation de la Terre dans l’espace et qui produit des cycles de 19, 22 et 24 ka. Tous ces cycles se retrouvent dans les archives climatiques, et en particulier dans les spéléothèmes.
DATER ET RECONSTITUER LE SIGNAL CLIMATIQUE
L’atout principal des stalagmites est que l’on peut les dater précisément jusqu’à environ 500000 ans. Le signal climatique des spéléothèmes est donné par des mesures faites sur les atomes qui constituent la calcite (CaCO3) : le carbone (C), sensible à la densité de la végétation au-dessus de la grotte et l’oxygène (O), sensible à la circulation atmosphérique, à la composition de l’eau des océans et la température extérieure. Pour réaliser ces mesures, on effectue toute une série de trous le long de l’axe de croissance des stalagmites pour en extraire quelques milligrammes de calcite. La poudre de calcite est ensuite dissoute dans de l’acide et le gaz produit est analysé sur de gros appareils appelés spectromètres de masse. On procède de la même façon pour dater les différents niveaux, alors ce sont les atomes d’uranium et de thorium présents en faible quantité dans les spéléothèmes que l’on compte.
UN DEMI MILLION D’ANNEES D’HISTOIRE DU CLIMAT
Evolution du climat depuis 500000 ans. Les grands cycles climatiques, d’une durée moyenne de 100000 ans, sont marqués par une alternance de périodes interglaciaires et de périodes glaciaires (courbe du haut ; données issues des carottes de glace de l’Antarctique - EPICA, 2006 ; Jouzel et al., 2007). Ces cycles sont liés aux variations des paramètres astronomiques (voir schéma ci-dessus). Au sein même d’un grand cycle climatique il existe des variations abruptes du climat avec des alternances de périodes chaudes (interstades, ou événements de Dansgaard-Oeschger/DO) et de périodes de froid extrême (événements de Heinrich par exemple) (courbe du bas ; données issues des carottes de glace du Groenland – NGRIP ; NGRIPmembers, 2006). Même si leur origine n’est pas encore totalement élucidée, ces variations millénaires du climat sont fortement liées aux variations des courants océaniques et à la dynamique des calottes polaires. Tous ces changements climatiques ont été détectées dans les stalagmites.
POSTERS
SPELEOTHEMES Archives du climat
Cet ouvrage « SPELEOTHEMES, archives du climat » publié en octobre 2022 aux éditions Hartpon récapitule une grande partie des informations présentées ici.
N.B. : Les spéléothèmes font partie des collections de l'Université de Bordeaux au sein de laquelle une spéléothèque et un site dédié sont en cours d'élaboration.